Quand un bateau a fini sa vie et que l’armateur veut s’en débarrasser à bon compte, il a le choix entre plusieurs destinations. Parmi elles : les plages du Nord de Bombay, en baie d’Alang, ou celles de Chittagong, dans le golfe du Bengale.
Quand on parle “Bangladesh” à la télévision française, c’est soit pour aborder la question des bidonvilles, très pauvres, soit celle des inondations, très envahissantes, soit celle du tigre du Bengale, très dangereux… ou bien celle des chantiers navals de Chittagong, très impressionnants.
Le Bangladesh y trouve son compte : la récupération du métal, souvent recycler dans la construction. Au prix d’un travail physique extrêmement dur de tous les ouvriers des chantiers.
Premier regard depuis le toit d’un abri anticyclonique. Derrière les rizières, une digue de quelques mètres de haut. Qui paraît minuscule devant les mastodontes dont la coque doit bien atteindre plus de 30m de haut.
Deuxième regard de beaucoup plus près : au bout d’une petite route, le portail d’un chantier… que nous dépassons rapidement pour nous arrêter sur la digue une centaine de mètres plus loin. Vue imprenable sur la grève où quelques dizaines de barques de pêcheurs sont échouées à marée basse. A l’entrée du chenal, une petite foule est là pour accueillir la pêche du jour. Au loin dans le golfe, de nombreuses petites unités sont encore en pêche. A droite, c’est un autre monde : celui des carcasses de géants en cours de démontage. Depuis la jetée, on entend le bruit des machines, au zoom on voit les petites fourmis humaines qui s’agitent, les gerbes d’étincelles des chalumeaux… au bout desquels on devine d’autres petites fourmis perchées à 50m de hauteur. Une partie des ouvriers de ces chantiers navals sont des migrants, migrants temporaires qui viennent du reste du pays pour une saison ou plus, pendant qu’il y a moins de travail dans les champs. La migration comme stratégie d’adaptation, au prix d’un danger omniprésent.
La place laissée aux pêcheurs est si petite : à peine 100m de large à l’embouchure du fleuve. Et comme les chantiers s’étendent de plus en plus, la mangrove se réduit, les alevins manquent et la pêche en est d’autant moins bonne… Bref, pour parler en géographe : un beau conflit d’acteurs dans un milieu littoral dense et fragile.
Troisième regard de plus loin. Sur le chemin du retour depuis Sandwip, mes compagnons de voyage pointent du doigt les barques des pêcheurs et derrière elle la côte où s’alignent les carcasses géantes. Sur la petite barque, on peut lire “Chennai” (Inde du Sud) et au dessus, un nom de bateau qui commence à s’effacer. Et voilà comment s’écoulent les canots de sauvetage des gros monstres d’à côté… Tout est lié.
Le long de la route qui mène à Chittagong, les revendeurs se succèdent : échelles de coupée, canots de sauvetage, éléments de moteurs…
Ce billet est aussi l’occasion de remercier ceux qui m’ont permis de découvrir la côte sud : l’ONG Ypsa. Dans leurs bureaux, un plan du littoral Nord de Chittagong : les chantiers s’alignent le long de la côte. Arif, le directeur, me montre aussi un ouvrage qu’ils ont fait paraître il y a quelques années après une campagne d’aide dans les chantiers navals.
Pour entrer à l’intérieur des chantiers navals de Chittagongs, le reportage des Zeppelin :
http://www.zeppelin-geo.com/galeries/bangladesh/shipbreaking/texte.htm
http://www.zeppelin-geo.com/galeries/bangladesh/shipbreaking/shipbreaking.htm