7h du matin. A bord de l’Aleqa Ittuk, le petit bateau de la Diskoline, nous quittons Ilulissat, en route vers l’aventure ! Direction Saqqaq, un petit village au Nord de la baie de Disko où nous allons passer deux semaines. 8h de traversée et très vite, nous voyons de près nos premiers gros icebergs. L’Aleqa Ittuk trace sa route avec de petits coups de barre à droite ou à gauche pour les éviter. Le ciel chargé ajoute à la magie des lieux. Le noir du ciel et de la mer, le bleu ou le blanc de la glace. Dans le porte-bébé, M. dort, emmitouflé sous plusieurs épaisseurs de vêtements. L’un rêve endormi et l’autre éveillé, accroché à son appareil photo et les yeux grands ouverts !
L’Aleqa Ittuk, petit bateau, n’est pas très haut sur l’eau. 3m tout au plus. Le point de vue rêvé pour la photo. Presque au niveau de l’eau et des icebergs. A. est assis les mains sur le bastingage, le bonnet au vent.
Mais après la prise de vue, au milieu de toutes ces photos d’icebergs, quelle photo choisir au moment du tirage ? Et comment la travailler ? Comment rendre ce qu’on a vu ? Comment tenter de faire passer des émotions à ceux qui n’étaient pas là ? Chaque photo est le résultat d’une série de choix.
Exif : Nikon D800 – Objectif Nikon 14-24mm 2.8 – 24mm – ISO 400 – 1/800s – f/7.1
Une photo d’iceberg prise après 1h de navigation. Pourquoi celle-ci ? Parce que l’iceberg est isolé mais qu’on en voit d’autres au loin. Parce qu’il a une forme sympathique. Parce qu’il a une partie bleue. Parce que le ciel et la mer sont beaux.
On peut y voir plusieurs choix :
Au moment du cadrage, le choix de poser la ligne d’horizon au milieu de l’image (ce choix peut être corrigé sur l’ordinateur après coup mais pas totalement).
Le choix de l’angle de vue de l’iceberg, moment fugace puisque le bateau, lui, ne s’arrête pas. La photo fait «figée» mais a été prise en plein mouvement.
Le choix de la focale = le niveau de zoom.
Des choix contraints aussi : M. est probablement dans le porte-bébé à ce moment-là, ce qui limite les mouvements. Et la vague d’étrave du bateau va rapidement atteindre le cadre de la photo et l’iceberg, ce qui gâcherait toute prise de vue.
D’autres choix se sont faits après coup sur le logiciel de post-traitement. Ce moment de travail sur ordinateur est un vrai plaisir. Un défi aussi, pour aboutir à la version qui nous semblera la meilleure, après de nombreuses tentatives et parmi de nombreuses alternatives.
Le traitement sur logiciel, que l’on peut aussi appeler «développement» peut se limiter à modifier un peu la luminosité sur certaines photos ou aller beaucoup plus loin. Sur celle-ci, les curseurs ont été poussés plus loin. Aucun élément n’a été masqué (ce qui ne serait pas un problème, c’est un choix comme les autres) parce que ce n’était pas nécessaire.
Un autre photographe aurait fait d’autres choix. Chacun a sa vision des choses. Et le spectateur a aussi le droit d’exprimer son avis. En revanche, on ne peut pas dire «modifier une photo, c’est de la triche». C’est un choix, parmi d’autres, qui commence dès que l’on choisit de cadrer cet iceberg et pas un autre. On croit parfois que la photo représente plus la réalité qu’une peinture ou un texte. Je n’en suis pas sûr. Ce sont des oeuvres d’art. Qui expriment une certaine vision.