17h ce vendredi soir d’hiver austral, non loin du belvédère de la Croix du Condor. Le lieu est magique, idéal : une plate-forme rocheuse posée à 3700m d’altitude. A nos pieds, un canyon de plus de 1000m de profondeur au fond duquel coule la Colca. Au dessus de nous à droite la crête enneigée du Nevado Mismi qui culmine à 5600m. Derrière nous à 20km le Nevado Ampato (6200m).
Vu le dénivelé, les brises qui remontent les pentes le matin et le soir sont très fortes et une colonie de condors des Andes en profite à plein. La petite ville de Cabanaconde un peu plus bas sur un plateau en profite aussi et s’est transformée en quelques années en un haut lieu du tourisme. S’y ajoutent les norias de minibus qui arrivent tôt le matin, déposent quelques centaines de personnes au belvédère et repartent en fin de matinée dans un nuage de poussière. Une route goudronnée est en construction depuis l’entrée du canyon à quelques dizaines de kilomètres de là. Le belvédère est aménagé et un charnier situé à quelques centaines de mètres sur les bords du canyon est régulièrement alimenté par les personnes de la région pour attirer les condors. Le lieu où nous sommes n’est donc pas un bout du monde inaccessible : tous les tours operators de la région d’Arequipa proposent un détour par le canyon de Colca. Au prix quand même d’une longue route puisqu’en partant d’Arequipa, il faut d’abord quitter la ville et ses faubourgs, monter sur l’altiplano, passer le col de Patapampa à 4900m et redescendre sur Chivay. A l’été 2014 au moment où nous sommes passés, la route qui serpente le long du canyon entre Chivay et Cabanaconde n’était goudronnée qu’en partie. Le reste est une piste caillouteuse. Avec notre voiture de location, nous avons fait Arequipa – Cabanaconde sur deux jours. En minibus, quelques heures suffisent, histoire de rentabiliser l’excursion.
Il est environ 13h quand nous posons nos sacs dans une petite auberge de jeunesse à Cabanaconde. Pas grand chose à faire… Les condors profitent des brises matinales entre 7 et 10 environ. Là, ils dorment sur les parois… ou ils mangent… ou autre chose, mais en tout cas à 13h la représentation est terminée, pause syndicale. Sur le coup des 16h, un peu désoeuvrés, nous décidons de reprendre la voiture pour retrouver la vue sur les terrasses de l’aller, à… 1h de route peut-être… Sur le chemin, nous passons au belvédère et là… magie… un groupe de condors cercle au dessus du charnier ! Apparition du soir ! Le lieu est pratiquement désert. Nous laissons la voiture sur le bord de la piste. Et nous avançons lentement vers la plate-forme reliée à la route par un petit chemin. L’odeur des carcasses de vache en décomposition n’est pas trop forte : les condors se sont déjà bien servis et il fait froid.
Ce sont deux femelles (pas de collerette blanche) d’une belle taille. Plus d’1m de haut. La lumière est d’une grande douceur. Le soleil descend sur l’horizon mais nous devrions l’avoir encore pour une petite heure.
Un des condors est posé sur la butte qui domine le charnier. L’autre est à notre hauteur, sur un petit rocher, juste au dessus du précipice. Petite séance photo rapide au fur et à mesure que je m’avance, au cas où elle s’envolerait. Mais elle ne semble pas avoir peur de nous. Et pour cause : le vide est juste là et elle n’aura qu’à ouvrir les ailes pour plonger et s’éloigner.
La seule difficulté de prise de vue : la lumière. Elle est belle mais assez faible. Et même si le condor bouge peu, ses petites plumes suivent la brise du soir. Si on veut les figer, il faut donc garder une vitesse élevée, de l’ordre du 1/500e de seconde. Lumière faible et vitesse élevée = pas facile à gérer.
Puisqu’elle me laisse faire, je me déplace pour chercher le contre-jour. Le soleil est suffisamment bas maintenant pour que l’effet soit sympathique. Recherchez toujours le contre-jour si le lieu s’y prête et que votre sujet est coopératif. Mais passez en manuel : la mesure de la lumière risque d’être trop difficile pour votre appareil en automatique et vous n’obtiendrez pas l’effet recherché.
Un petit groupe d’Espagnols arrive sur la plate-forme. Malgré leur calme relatif, notre condor ne tarde pas à s’envoler, peut-être aussi tout simplement pour profiter de la dernière brise du soir. Mais elle reste autour de la plate-forme : c’est une merveille de la voir voler. Nouveaux réglages pour augmenter la vitesse de prise de vue et les ISO et pouvoir saisir l’oiseau au passage.
Quelques minutes plus tard, nous sommes à nouveau seuls. Le condor vient se reposer tranquillement sur un rocher.
Bilan :
Une très belle heure passée avec deux très beaux oiseaux. Nous quittons le canyon de Colca ravis.
Beaucoup de chance d’avoir pu partager un long moment avec ces oiseaux dans un cadre magnifique.
Mais un peu de préparation aussi : nous n’aurions sans doute pas pu faire cette rencontre sans être libre de nos mouvements. La voiture de location était un bon choix.
N’oubliez pas vos anoraks : il fait froid à 3700m d’altitude en hiver.