Ce paysage de lever de soleil est la seule photo qui est vraiment sortie du lot à la suite d’une petite séance au Mézenc. 365 clichés, 38 retenus, 1 tiré et encadré. Ça donne une idée du ratio habituel. Et on pourrait dire du travail de tri. Peut-être inutile si vous êtes un bon photographe et que vous savez cadrer la bonne image du premier coup. Ou un photographe professionnel qui n’a pas le temps de faire du déchet… Bref, que peut-on dire de cette photo ?
D’abord que le halo de bruit rouge à gauche autour du soleil était inévitable je pense, du moins avec le D90. En tout cas il disparaît en grande partie de la photo une fois que celle-ci est imprimée.
Ensuite, on peut parler du lieu et de l’heure. Le sommet du Mézenc (1753m pour les puristes) un petit matin de juillet à 6h précises. Un conseil : si vous voulez passer une nuit à la belle étoile, allez plutôt vous poser dans un champ. Mais pas au sommet du Mézenc. Et pourtant on le savait qu’il faisait froid… Donc, si vous voulez voir un joli lever de soleil, faites en sorte d’être là haut une petite heure seulement avant le lever du soleil. Inutile d’en faire trop.
Abordons les Exifs.
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- 110mm. Pour avoir à la fois le soleil levant et la silhouette du Mont-Blanc. Un photo de paysage se compose en choisissant bien ce que vous voulez mettre dedans et ce que vous ne voulez pas mettre (évidemment, vous pouvez aussi viser un peu plus large pour garder des possibilités de recadrage sur ordinateur). Gardez à l’idée que plus vous augmentez la focale (110mm, c’est déjà une longue focale, 300mm la focale maximale de ce zoom), plus vous compressez le paysage. Voici un exemple à 300mm : http://www.davidmechin.com/Photo/Ardeche.html#17. Le Mont Blanc depuis l’Ardèche. Les distances sont très compressées.
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- ISO 200. Si possible ne pas trop monter en ISO. Très tôt le matin, il y aura déjà suffisamment de bruit comme ça.
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- f/9. Pour avoir une bonne profondeur de champ. Pour que tout soit net. En photo de paysage, on essaie d’ouvrir à f/8 ou plus. Plus on ferme le diaphragme (f/1.4, c’est ouvert, f/8 c’est fermé, f/22 c’est très fermé), plus on augmente la profondeur de champ, c’est-à-dire la netteté de tous les plans. En théorie, on se dit qu’on devrait donc fermer à f/22 à tous les coups en paysage pour que tout soit vraiment très net. Non, en fait on monte très rarement au dessus de f/8 ou 9. Car fermer trop a au moins trois conséquences fâcheuses : le plus évident, c’est que cela réduit la lumière entrante donc cela oblige à augmenter le temps de pause. Mauvaise idée si on travaille à main levée et sur un sujet qui bouge (le soleil bouge vite dans le ciel). Ensuite, fermer trop révèle les poussières collées sur le capteur (c’est d’ailleurs comme ça que l’on voit s’il y en a beaucoup ou non : fermez à f/22 et prenez une photo d’une surface de couleur unie, le ciel par exemple, en mise au point à l’infini). Enfin, fermer trop provoque une baisse de qualité de la photo. Chaque objectif a une plage optimale d’ouverture. C’est-à-dire qu’entre deux f/ il est au top de sa qualité. Sur un objectif qui ouvre entre f/3.5 et 22 par exemple, il est au top, à la louche, entre 5 et 8.
- 1/200s. La vitesse qui s’imposait compte-tenu de tous les autres choix et de la lumière. Dès que l’on travaille sur de forts contrastes de lumière, c’est souvent plus facile de travailler en manuel.
Puis le recadrage. A mon sens, les panoramiques de rapport 1/3 (ici) ou 1/2 se prêtent bien à la photo de paysage. Là, il y a un intérêt supplémentaire, cela permet de donner une unité de couleur à la scène. Pour le recadrage, bien tenir compte des lignes de force que notre oeil perçoit sans même s’en apercevoir. Et donc placer ces lignes de force ou leur intersection sur des éléments saillants de l’image. On peut évidemment s’abstenir de suivre ces règles classiques mais mieux vaut d’abord les connaître et les pratiquer.
Après le recadrage, on peut penser aux autres opérations de post-traitement. On aurait pu mettre un point de contrôle du noir en bas à droite pour renforcer les noirs dans toute l’image. Mais je me suis contenté d’appliquer une petite courbe en S à l’histogramme comme on le voit à droite. Une courbe en S renforce le contraste de la photo.
Comment lire un histogramme ? Les blancs (et toutes les couleurs claires) sont à droite de la courbe, les noirs (et toutes les couleurs foncées) à gauche. L’axe vertical correspond à la quantité de pixels. Une courbe très décalée sur la gauche par exemple veut dire que l’image est très sombre. Une courbe qui sort par la droite par exemple correspond à une image surexposée.
Ici, j’ai choisi de renforcer un peu les noirs donc je descends légèrement la courbe au niveau des couleurs sombres. Et je lève légèrement la courbe des lumières claires.
Quelques autres réflexions sur la photo de paysage :
Un paysage rend souvent moins bien en photo qu’en vrai. Pour plusieurs raisons :
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- On perd l’effet 360º, et donc l’aspect grandiose.
- Un capteur d’appareil photo «encaisse» mal les fortes différences de lumière que l’on trouve souvent dans un paysage. Typiquement, un ciel clair et des collines sombres auront du mal à passer ensemble sur une photo. Alors que l’oeil humain encaisse sans problème ces différences de lumière. Au lever du soleil, vous verrez des détails dans l’ombre, l’appareil photo non. Evidemment, cela dépend de l’appareil. C’est ce qu’on appelle la dynamique du capteur (la meilleure dynamique revient au moment de ce post au Nikon D800). Mais l’oeil est de toute façon bien meilleur. D’où l’impression que la photo ne rend pas ce qu’on a vu.
Quelques solutions :
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- Bien choisir ce que l’on prend en photo. Des éléments saillants dans l’image, un premier plan intéressant (comme une présence humaine par exemple).
- Bien choisir son moment. Les lumières rasantes du matin et du soir sont souvent très photogéniques. A ce propos, le moment le plus beau à la vue n’est pas forcément le moment le plus photogénique. Ce matin là, le moment le plus beau à l’oeil se trouvait sans doute avant le lever du soleil. Le lever du soleil en lui-même était en revanche plus photogénique. Ça reste subjectif bien sûr.
- Ajouter du contraste en post-traitement. Ça suffit généralement à rapprocher la photo de ce qu’on a vu.
- Faire d’autres opérations de post-traitement : jouer sur le point blanc, sur du recadrage pour mettre en valeur des éléments, sur la révélation de certains détails (D-Lighting chez Nikon).
- Du matériel peut aider. Un bon réflex avec une bonne dynamique de capteur, une taille de capteur intéressante et pas mal de mégapixels.
Quelle focale choisir ?
N’oubliez pas qu’à n’importe quelle focale, on peut réussir un bonne photo de paysage. A 14mm en ultra-grand-angle ou à 300mm en focale longue. Tout dépend de ce que l’on veut photographier.