Pendant plusieurs jours, accompagné d’étudiants de l’université, j’ai parcouru plusieurs bidonvilles de la capitale. En voici deux. Deux mondes bien différents.
C’est d’abord Bhashantek, un bidonville du Nord de Dhaka. Au début des années 2000, Bhashantek est un quartier implanté en périphérie de la capitale, sur des terrains marécageux. Petit à petit, l’urbanisation a rejoint le bidonville, qui est aujourd’hui entouré de petits immeubles de la classe moyenne, construits sur des terrains drainés (mais qui restent largement inondables au moment de la mousson).
Les habitants dans ce bidonville sont souvent là depuis leur arrivée à Dhaka. Autrement dit, c’est un petit monde. Un quartier où il est difficile de vivre mais qui a le mérite de la stabilité : la plupart des personnes sont propriétaires (de leur maison, le terrain appartenant à la ville). Et même si elles sont pauvres, elles ont souvent un métier.
La diversité de ces métiers représentent bien toutes les petites mains de la capitale : conducteurs de rickshaws, de bus, de CNG (les triporteurs au GPL), petits commerçants, journaliers, employés de maison… Le revenu moyen par mois est d’environ 80 euros (3$/jour). Cela signifie au moins deux choses : d’abord que ce revenu moyen est très faible. La ventilation des dépenses permet d’ailleurs de se rendre compte que les 2/3 des dépenses passent dans l’alimentaire. Et environ 1/3 des habitants ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Mais ce revenu moyen est aussi légèrement au dessus du seuil de pauvreté (2$/jour). Ce « presque rien » en plus représente finalement beaucoup : une partie des habitants peut mettre un peu de côté en prévision d’un coup dur ou d’un investissement futur. Tout est dans la nuance.
En comparaison, le deuxième bidonville est très différent. Il s’agit du « Railway slum », le bidonville au bord des rails. Une ligne de chemin de fer traverse la capitale en provenance du Nord.
De chaque côté des rails, sur quelques mètres, la terre est publique. Cela ne veut pas dire que les gens ont le droit de s’installer. C’est juste qu’on risque moins de se faire chasser. Un bidonville s’est installé sur 3km environ, entre le Flyover et Tejgaon.
Ce bidonville a plusieurs aspects positifs pour ses habitants : d’abord, il est bien situé, au coeur de la capitale. Et ça compte quand on souhaite trouver un emploi. Ensuite, il y a relativement plus de place que dans d’autres bidonvilles puisqu’on peut utiliser l’espace des rails pour laver son linge ou jouer tant qu’il ne passe pas de train. L’horizon est un peu plus dégagé. Mais c’est bien sûr un des pires bidonvilles de la capitale par d’autres aspects. D’abord, le risque est omniprésent. Le risque de se faire happer par un train. Et d’autres risques liés aux mafias de la drogue notamment. Cela explique que ce lieu soit souvent le premier point de chute des nouveaux arrivants à Dhaka s’ils n’ont pas d’autre choix. Et cela explique le fort turn-over. Quand on peut en partir…